samedi 5 février 2011

éclipse (& laps)



Jaune et puis noir temps d’un battement de paupières et puis jaune de nouveau : ailes déployées forme d’arbalète rapide entre le soleil et l’œil ténèbres un instant sur le visage comme un velours une main un instant ténèbres puis lumière ou plutôt remémoration (avertissement ?) rappel des ténèbres jaillissant de bas en haut à une foudroyante rapidité palpables c’est-à-dire successivement le menton la bouche le nez le front pouvant les sentir et même olfactivement leur odeur moisie de caveau de tombeau comme une poignée de terre noire entendant en même temps le bruit de soie déchirée l’air froissé ou peut-être pas entendu perçu rien qu’imaginé oiseau flèche fustigeant fouettant déjà disparue l’empennage vibrant les traits mortels s’entrecroisant dessinant une voûte chuintante comme dans ce tableau vu où ? combat naval entre Vénitiens et Génois sur une mer bleu-noir crêtelée épineuse et d’une galère à l’autre l’arche empennée bourdonnante dans le ciel obscur l’un d’eux pénétrant dans sa bouche ouverte au moment où il s’élançait en avant l’épée levée entraînant ses soldats le transperçant clouant le cri au fond de sa gorge
Obscure colombe auréolée de safran

Claude Simon, la Bataille de Pharsale
(Minuit, 1969, incipit)

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