mercredi 28 janvier 2009

autre couleu(v)r(e)

Ils prirent le thé chez une amie, la comtesse de Prey — qui essaya, mais sans succès, de leur vendre un cheval boiteux. Ils allèrent à la foire d’Ardisville où ils admirèrent tout spécialement les jongleurs chinois, un clown allemand et une robuste princesse circassienne, avaleuse de sabres, qui commença par un couteau à dessert, continua par un poignard orné de pierreries et finit en engouffrant, avec la peau et la ficelle, un formidable salami.

Ils firent l’amour — de préférence dans les vaux et les vallons.

Aux yeux d’un physiologue ordinaire, l’énergie de ces deux jouvenceaux eût pu paraître anormale. Le désir effréné qu’ils ressentaient l’un pour l’autre devenait insupportable si, en l’espace de quelques heures, il n’était satisfait plusieurs fois, au soleil, ou à l’ombre, sur le toit, dans la cave — tout leur était bon.



Vladimir Nabokov, Ada ou l’Ardeur
(traduit de l’anglais par Gilles Chahine, avec la collaboration de Jean-Bernard Blandenier)
chap. XXII (p. 193 / coll. Folio, n° 2587)

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